Préchauffage polémique sur le prochain Spielberg

Publié le par David CASTEL


Le black-out est total au sujet de «Munich» déjà controversé, qui se penche sur la traque par Israël des preneurs d'otages des JO de 1972.
Par Emmanuelle RICHARD
mercredi 12 octobre 2005

Los Angeles correspondance

après trois mois de tournage à Malte, Budapest, et le déploiement éléphantesque d'une équipe de 250 personnes à Paris sous le pont de Bir-Hakeim à la mi-septembre, le nouveau film-brulôt de Steven Spielberg est en cours de finition. Intitulé Munich, il raconte les représailles israéliennes après le massacre des JO dans la capitale bavaroise en 1972 par le groupe terroriste palestinien Septembre noir. Le réalisateur aura deux mois pour monter son thriller historique d'ici à sa sortie, prévue pour le 23 décembre aux Etats-Unis (le 25 janvier en France). Juste à temps pour la course aux oscars. Alors que la nervosité s'intensifie de Hollywood à Jérusalem, son porte-parole Marvin Lévy nous informe que «Steven va garder le silence, jusqu'au moment venu de montrer son film au public». Une source proche des studios DreamWorks et Universal, producteurs du film, confirme la tendance mutique : «Le studio et Steven estiment que cela n'a aucun sens d'essayer de discuter ou d'expliquer le film tant qu'il reste en cours de fabrication.»
Verrouillage. Une agence de «gestion de crise médiatique» est même sur le pied de guerre pour préparer la sortie délicate du film. Ce genre d'agence est chargé par les studios de préparer la communication au long cours sur des «produits» controversés. Pour l'heure, la stratégie de verrouillage est totale : pas d'interviews, ni de visite de plateau ou d'opérations de communication. Sur le tournage fermé à double tour dans les rues de Budapest, transformées en Rome et Paris des années 70, les téléphones portables des figurants furent confisqués de peur qu'ils ne prennent des photos. Abordé par un journaliste à la sortie d'un plateau, l'acteur anglais Daniel Craig a déclaré : «Je ne peux rien vous dire... sinon, ils vont me briser les jambes !»
Au coeur de ce thriller événement, les attentats des 5 et 6 septembre 1972, à Munich, en plein JO. Huit terroristes palestiniens du groupe Septembre noir pénètrent dans le village olympique et capturent onze athlètes israéliens. La prise d'otages se termine par un bain de sang : onze Israéliens, cinq Palestiniens et deux policiers allemands y trouvent la mort. Traumatisées par les événements en direct à la télévision, les démocraties occidentales prennent conscience que le terrorisme palestinien n'est plus confiné au seul Moyen-Orient.
Scandale. A partir de là, Munich, qui s'inspire du livre Vengeance du journaliste canadien George Jonas, raconte la mission des agents du Mossad, les services secrets israéliens, envoyés aux trousses des terroristes à travers l'Europe. Une vingtaine d'entre eux aurait été assassinée au cours de deux décennies. Un scandale éclata quand il fut révélé qu'un serveur marocain en Norvège avait été tué par erreur. Comme avec la Passion de Mel Gibson l'an dernier, la controverse chauffe déjà de tous les côtés au seul énoncé du sujet. Contacté par Reuters dans sa planque au Moyen-Orient, un leader autodéclaré de Septembre noir, Abou Daoud, s'est insurgé : «Si [Spielberg] voulait vraiment raconter la vérité sur ce qui s'est passé, il devrait parler aux personnes impliquées, celles qui connaissent la vérité.» Même aigreur chez l'ex-officier du Mossad Gad Shimron, qui a déclaré à Variety : «Vengeance raconte n'importe quoi ! [...] Ça ne s'est jamais passé de cette façon.» Selon Marvin Levy, ces réactions ont fait sourire l'équipe Spielberg : «Beaucoup de choses sont difficiles à prouver, vu que l'opération était secrète. Il s'agit d'une fiction, pas d'un documentaire.»
Abandonnés. Il précise néanmoins que le scénario s'est inspiré de nombreux reportages télé et de témoignages d'époque des «deux côtés» et a été soumis à plusieurs conseillers ­ la presse américaine évoque le président Clinton, son envoyé chargé du «processus de paix», Dennis Ross, et le propre rabbin de Spielberg. Le réalisateur de la Liste de Schindler est très respecté dans la communauté juive américaine depuis sa création de la fondation Shoah, qui recueille les témoignages de survivants de la solution finale. Mais il s'attendait aussi aux réactions israéliennes : dans le livre de George Jonas, Israël abandonne largement ses agents en cours de mission en Europe. Plusieurs sont traqués et tués par des équipes du contre-espionnage palestinien. Munich ferait allusion à ces épisodes, insistant sur les problèmes de conscience des agents du Mossad, troublés de servir une démocratie qui favorise les exécutions sommaires sans autre forme de procès.

Publié dans POLEMIQUE

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