Les Oscars 2006, un cru grave

Publié le par David CASTEL

CINÉMA - Les films nominés abordent des questions morales et de société


Racisme, terrorisme, liberté d’expression, tolérance envers les minorités : à des lieues des films à grand spectacle ou des comédies, ce sont des longs-métrages graves, abordant les questions morales et de société, qui dominent la course aux Oscars 2006.
« Il est inhabituel de voir autant de films sérieux dans une seule cuvée des Oscars », remarque Marty Grove, éditorialiste au quotidien spécialisé Hollywood Reporter. « Il y a quelques années, les films sérieux, auraient été l’exception, mais en ce moment, ils sont davantage pris en considération par ceux qui remettent les récompenses, tandis que le public accueille mieux les films graves, qu’il s’agisse de documentaires ou de fiction », affirme-t-il.
Truman Capote, consacré à l’affaire criminelle ayant conduit l’écrivain Truman Capote à rédiger son chef-d’œuvre, le roman De sang-froid, jette un regard sans complaisance sur la morale dans le journalisme. Good Night and Good Luck, de George Clooney, raconte l’affrontement entre un journaliste de télévision et le sénateur anticommuniste américain Joseph McCarthy dans les années 50, sur le sujet toujours d’actualité du contre-pouvoir des médias face aux dérives des politiques. De son côté, le drame Collision de Paul Haggis, qui aborde la cérémonie du 5 mars avec six nominations, narre les avatars de quatre personnes issues de différentes classes sociales de Los Angeles dont les préjugés sont mis à l’épreuve. Même un maître des films à grand spectacle, Steven Spielberg, concourt cette année aux Oscars avec un film grave, Munich, récit des représailles israéliennes contre les commanditaires de la prise d’otages des Jeux olympiques de 1972 et évocation en filigrane des « assassinats ciblés » actuels de l’État hébreu. Quant au grand favori des Oscars avec huit nominations, Brokeback Mountain, il évoque l’histoire douloureuse de deux jeunes hommes qui tombent amoureux l’un de l’autre dans l’Amérique profonde et conservatrice des années 60 et 70.
Cette prééminence de sujets graves dépasse la catégorie du meilleur film et du meilleur réalisateur : The Constant Gardener, adapté du roman de John Le Carré, décrit les manœuvres sans scrupules d’une multinationale pharmaceutique en Afrique noire. Un autre thriller, Syriana, étudie quant à lui les complexes réseaux de l’ombre autour de la manne pétrolière au Moyen-Orient.
« Tous ces films reflètent les inquiétudes des cinéastes face à l’évolution de notre société », assure M. Grove. « Dans le monde de l’après 11-septembre, la moralité des médias, des politiques ou des grandes entreprises est un sujet d’inquiétude, et cela donne du grain à moudre aux metteurs en scène », ajoute-t-il. La guerre menée depuis trois ans par les États-Unis en Irak, plusieurs scandales financiers et l’incapacité présumée des médias à jouer leur rôle de contre-pouvoir ont joué sur l’état d’esprit des spectateurs, renchérit le professeur Leo Braudy, spécialiste de la culture populaire à l’Université de Californie du Sud. « J’ai tendance à voir (ce phénomène) comme le côté obscur de James Bond, des films dans lesquels le héros triomphe contre un seul ennemi mégalomane », explique-t-il. « De nos jours, le modèle du James Bond est trop facile. La vie n’est plus aussi simple », constate-t-il.
La force des films nommés cette année est toutefois de ne pas avoir oublié d’être distrayants malgré tout, souligne M. Grove : « À une époque comme la nôtre, il est logique de voir des œuvres consacrées aux inquiétudes, mais les films restent divertissants et c’est vraiment une réussite », fait-il remarquer.

Publié dans Oscars

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