L'Américain dont Israël est fier

Publié le par David CASTEL

PORTRAIT
 
Réalisateur juif le plus célèbre de Hollywood, Spielberg a longtemps entretenu un lien complexe avec sa judéité. Il a souffert, enfant, d'insultes antisémites au point d'avoir honte de sa famille et de prétendre que son nom était allemand. Ce n'est qu'en 1993, au sommet de son succès, qu'il aborde les questions juive et israélienne dans La Liste de Schindler. « Le film a sûrement contribué à sa reconnaissance en Israël, jusqu'à l'adulation, mais il était déjà très aimé en tant que cinéaste américain, et aussi en tant que Juif qui a réussi et soutient Israël, explique Ariel Schweitzer, historien du cinéma enseignant à Paris VIII et à Tel-Aviv, qui précise : le film n'a pas été assez débattu. Les questions sur la représentation fictionnelle de la Shoah ont été passées sous silence. » La Shoah Foundation, créée par Spielberg dans la foulée du tournage de La Liste de Schindler, dédiée à la collecte des récits de survivants, a recueilli près de 8 700 témoignages en Israël même. « Paradoxe : il s'agit d'une approche antispielbergienne, antispectaculaire, des témoignages oraux filmés en plans fixes », dit Ariel Schweitzer.

Le réalisateur de La Guerre des mondes – adaptation de H.G. Wells hantée par l'Holocauste – a aussi fondé en Israël les Archives Spielberg, qui s'attachent à rechercher, restaurer et archiver les films sur la vie quotidienne des Juifs à travers les époques. Il a en outre financé une partie du nouveau musée de Yad Vashem, mémorial des martyrs de la Shoah.

Sorti en Israël il y a quelques semaines, Munich était précédé de rumeurs qui ont inquiété jusqu'au ministère des Affaires étrangères. Des projections organisées pour les acteurs locaux du film et pour les veuves d'athlètes assassinés en 1972 ont plutôt apaisé les craintes et propagé l'idée d'une représentation équilibrée de l'affaire.

« En Israël, on éprouve une sorte de fierté que Spielberg s'intéresse à l'histoire du pays. Sa critique des services secrets ne dérange pas dans la mesure où elle est pratiquée par les Israéliens eux-mêmes. Mais tout ce qui a suivi l'assassinat des athlètes demeure méconnu ici. Un documentaire israélien est en préparation. Beaucoup d'énigmes demeurent, car l'affaire est encore classée secret-défense. »


Louis Guichard



Télérama n° 2924 - 28 janvier 2006

Publié dans Réactions en Israël

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