Munich 1972: Spielberg attaque le CIO

Publié le par David CASTEL

 
POLEMIQUE. Alors que son film sur les attentats des Jeux d'été sort vendredi aux Etats-Unis, le réalisateur s'en prend au comportement passé et actuel du Comité international olympique.
 
   
 
Luc Debraine
Lundi 19 décembre 2005
 
   
 
«L'une des raisons qui m'ont poussé à raconter cette histoire est qu'il y a des Jeux olympiques tous les quatre ans quelque part dans le monde, mais qu'aucun hommage adéquat n'a jamais été rendu aux athlètes israéliens qui ont été assassinés en 72. J'ai donc voulu raconter cette histoire pour leur rendre hommage. Cela a été une motivation importante, l'une des premières raisons qui m'ont poussé vers ce récit. Je voulais que ce film soit à la mémoire de ces athlètes, car ils semblent avoir été oubliés. Le silence dont les entoure le Comité olympique est tous les quatre ans plus assourdissant pour moi. Il faut qu'il y ait une reconnaissance officielle appropriée de ce qui s'est passé.»

A lire ses propos incisifs, publiés dans le magazine Time le 12 décembre dernier, on ne peut pas dire que Steven Spielberg porte le CIO dans son cœur. Le réalisateur américain s'exprimait quelques jours avant la sortie le 23 décembre aux Etats-Unis et un mois plus tard en Europe de son nouveau film, «Munich». Tourné dans le plus grand secret, «Munich» évoque les semaines et mois qui ont suivi l'attentat terroriste des Jeux olympiques d'été en 1972 à Munich. Perpétré par le groupe palestinien Septembre noir, cet attentat a coûté la vie à onze athlètes israéliens. Le film, présenté comme «drame inspiré de faits réels», décrit l'action vengeresse du Mossad, en particulier les doutes qui assaillent les membres du commando israélien chargé de tuer les responsables de l'attaque terroriste. Le rôle principal est tenu par Eric Bana, entouré pour la circonstance par Daniel Craig (le futur James Bond), Geoffrey Rush et Matthieu Kassovitz.

Longtemps hanté par ce drame, juif lui-même, Steven Spielberg dit avoir conçu son film comme «une prière pour la paix» au Moyen-Orient. Selon lui, le plus grand ennemi n'est ni les Palestiniens ni les Israéliens, mais «l'intransigeance» des uns et des autres. Et de citer, toujours dans l'interview accordée l'autre jour à Time, le romancier Amos Oz: «Dans la vie des individus, et des peuples aussi, les pires conflits sont souvent ceux qui éclatent entre les opprimés.»

Jugé très réussi par les rares privilégiés qui l'ont vu, objet d'une promotion minimale, «Munich» suscite toutefois de nombreuses critiques, plaintes et controverses. A commencer par le Comité international olympique qui, à Lausanne, juge totalement infondée la critique de Spielberg sur son «silence» (voir ci-dessous la réponse du CIO).

D'anciens protagonistes de l'attentat de 1972, comme Abou Daoud, qui a dirigé l'opération sanglante, ou plusieurs ex-agents du Mossad, se plaignent de ne pas avoir été consultés avant le tournage, ou remettent en question la version des faits donnée par «Munich». D'autres reprochent à Spielberg de s'être trop aveuglément inspiré d'un seul livre, «Vengeance» (1984), qui donne la parole à l'un des agents de la mission du Mossad, alors même que la crédibilité de ce témoignage a été maintes fois mise en doute.



 
 
 
 
 
Une critique jugée infondée
Piqué au vif par les propos du réalisateur américain, le CIO a adressé cette réponse au «Temps».
CIO
«Il est décevant de lire les propos de M. Spielberg rapportés dans le magazine Time. M. Spielberg n'est manifestement pas au courant de ce que le CIO a déjà fait pour honorer la mémoire des athlètes. Plusieurs initiatives ont été prises à cet égard, par exemple

- Il a été rendu hommage aux membres de l'équipe israélienne qui sont morts durant les Jeux de 1972 à Munich lors d'une cérémonie tenue le lendemain même de la tragédie dans un stade olympique bondé;

- Un monument a été érigé à Munich en leur mémoire. Le président du CIO, Jacques Rogge, était présent à la 25e commémoration de la tragédie à Munich où, en présence de la communauté juive, des fleurs furent déposées et une cérémonie organisée. A l'extérieur du stade olympique se trouve un immense monument, très émouvant, en l'honneur des victimes. Le président Rogge a également assisté à la 30e commémoration de la tragédie en 2002 à l'aéroport près de Munich;

- Une sculpture offerte par le Comité national olympique d'Israël en souvenir des événements tragiques est exposée au Musée olympique à Lausanne;

- Aux Jeux d'août 2004 à Athènes, lors de la commémoration traditionnelle organisée par le Comité national olympique d'Israël, le président Rogge s'est exprimé devant les athlètes israéliens, les familles des victimes et le ministre israélien de l'Education, de la Culture et du Sport, terminant son discours en ces termes: «Nous nous souviendrons toujours d'eux comme de nos frères»;

- Le CIO et le Mouvement olympique rendent régulièrement hommage aux victimes, notamment à l'occasion des Sessions du CIO. A l'ouverture de la Session à Salt Lake City en 2002 par exemple, le président Rogge avait commémoré la tragédie et honoré la mémoire des athlètes.

Cette mémoire ne s'efface pas et, comme vous pouvez le constater, le CIO a rendu hommage aux victimes et continuera de le faire aux moments opportuns. Une chose est sûre: nous n'oublierons jamais.

Cette tragédie a marqué l'histoire olympique à plusieurs égards, notamment sur le plan de la sécurité. En effet, depuis ce jour, la sécurité est devenue la priorité du CIO qui compte, bien entendu, sur les gouvernements des villes hôtes pour mettre en place les mesures appropriées dans l'espoir d'éviter qu'une telle tragédie ne se reproduise. Cet événement a également renforcé la détermination du Mouvement olympique à contribuer plus que jamais à bâtir un monde pacifique et meilleur en éduquant la jeunesse par le moyen du sport pratiqué sans discrimination d'aucune sorte et dans l'esprit olympique.»

 
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Publié dans Jeux Olympiques

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